• Accueil
  • Qui sommes-nous ?
  • Les éditions « Elsass Journal » en pdf
  • Courrier des lecteurs
  • Nous contacter
  • Tabloïd à la demande

Elsass-Alsace Journal

« Relation », une tribune citoyenne

  • Édito
  • Politique
  • Transfrontalier
  • Europe
  • Économie
  • Écologie
  • Histoire
  • Culture
  • Société
  • Les rédacteurs
    • Jean-Philippe Atzenhoffer
    • Jean-Pierre Berg
    • Gilbert Dalgalian
    • Jean-Alain Héraud
    • Robert Hertzog
    • Alain Howiller
    • Patrick Kintz
    • Pierre Klein
    • Yves Plasseraud
    • Jean-Marie Woehrling
Vous êtes ici : Accueil / Politique / Essai de prospective institutionnelle pour l’Alsace (Première partie)

Essai de prospective institutionnelle pour l’Alsace (Première partie)

15 janvier 2017 par Robert Hertzog Laisser un commentaire

Article Vues : 1 329
image_pdfimage_print

(Par Robert Hertzog) – Arégé de droit public – Université de Strasbourg – IEP robert.hertzog@wanadoo.fr

Le Grand Est (GE) est-il viable ? Une Région Alsace peut-elle renaître ?

Le péché originel du redécoupage des régions n’est ni le déni de démocratie, ni la violation du droit international, qui seront oubliés. C’est l’absence d’études, d’objectifs et de raisons qui imprime dans l’institution le gêne indélébile de l’absurdité. Potions bureaucratiques et sirops politiques en atténuent à peine les graves handicaps.

La disparition de la région Alsace nous oblige à un effort d’introspection : qu’attendions-nous de cette région ? Qu’en avons-nous fait et reçu que nous n’obtiendrons plus du GE ? Et que voulons-nous qu’elle soit à l’avenir ? On ne sortira du marasme actuel que par le haut en refondant un projet pour l’Alsace sur des données solides, avec des objectifs simples, compréhensibles par tous et porté par un élan populaire. L’Alsace peut trouver sa voie, avec un peu d’imagination et beaucoup de courage politique. On veut montrer ici que la région est la collectivité la plus malléable qui n’a de sens que par la volonté politique de ceux qui en dessinent le contenu et qui la font vivre. Ce projet doit aussi se préoccuper des voies concrètes de sa réalisation, car c’est sur ce terrain qu’on a perdu deux batailles, celle du référendum du 7 avril 2013 et celle du blocage de la réforme Hollande-Valls en 2014.

Nous publions ici la première partie. La seconde, intitulée « Questions pour un combat, ou le chemin vers un nouveau pouvoir territorial alsacien”, paraîtra dans le numéro de février.

SUR LE FOND, UNE EQUATION À DEUX INCONNUES : QUELLE REGION, POUR QUELLE ALSACE ?

L’interrogation sur les finalités d’une Région Alsace est récurrente depuis qu’existe une institution politique et administrative sous ce nom en 1982-1986 (Saisons d’Alsace 1990, Prospective ALSACE 2005 en 1990-1991, ALSACE 2030 en 2013). Une communauté consciente de son existence, enracinée dans l’histoire, la géographie et la culture est néanmoins incertaine sur sa substance et son devenir. Au moment où elle semblait être arrivée à une certaine maturité, son épanouissement est refusé par l’indifférence et l’incompréhension des citoyens, en 2013. Et, en 2015, elle est rayée de la carte politique par un découpage administratif aberrant, en total mépris des résistances de la société alsacienne et de ses élus. Faut-il se résigner au nouvel ordre? Au-delà de la volonté de donner à une région historique et culturelle les institutions qu’elle mérite et dont son économie a besoin, nous avons la conviction que le GE a trop de défauts et de coûts pour pouvoir être pérenne. Il faut donc un projet nouveau. Comme il n’existe aucun modèle obligé, ni en France, ni en Europe, cela laisse une grande liberté qui peut être mise au service de la volonté régionaliste d’une large majorité d’Alsaciens.

1. La région, un produit politique indéterminé, c’est à dire à inventer !

La région est une idée populaire en Europe de sorte qu’on est tenté de chercher là un modèle ou une orientation générale qui pourrait nous inspirer. Fausse piste ! En France même, les institutions régionales sont fort diverses et ont été établies sans doctrine, ni ligne directrice.

Ni définition, ni modèle, ni tendance générale en Europe

Malgré le succès de certains slogans (l’Europe des régions) ou de certains thèmes (les politiques régionales) il n’existe aucune définition en droit européen de la région. L’Union Européenne a des politiques régionales qui se réfèrent à des espaces économiques sans organisation politique particulière et qui sont négociées avec des acteurs nationaux ou locaux. La nomenclature des unités territoriales (NUTS) ne prend pas en compte des découpages politiques déterminés et le Comité des Régions d’Europe comprend des représentants de toutes les catégories de collectivités territoriales. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d’Europe (CPLRE), organe du Conseil de l’Europe, a une Chambre des régions, voulue par le lobby des régions puissantes (Catalogne…), mais qui regroupe des délégués de collectivités et circonscriptions de nature hétéroclite. Malgré des années de débats, le Congrès a été incapable de s’accorder sur une Charte de l’autonomie régionale, parallèle à la Charte européenne de l’autonomie locale (CEAL), parce qu’on ne savait définir ni le concept de région, ni les matières qui relèveraient naturellement de ce niveau. Finalement, a été adopté, a minima, un document de référence sur la démocratie régionale, sans valeur juridique, qui définit la région comme le premier niveau en dessous des administrations centrales et recommande qu’on lui applique les mêmes principes que ceux énoncés dans la CELA. L’Annuaire des régions d’Europe, publié par la Fondation pour l’Economie et le Développement durable des Régions d’Europe  (FEDRE), aligne un bric à brac d’institutions sans grands rapports les unes avec les autres.

L’analyse des différents Etats ne nous sort guère de l’embarras, dès lors qu’on regarde les réalités avec quelque rigueur. Les Etats fédéraux (RFA, A, B, CH) ont des composantes d’une nature radicalement différente des régions ; le Land est un Staat. Les Etats fortement décentralisés du Nord ont de puissantes communes et des collectivités de second niveau (comtés) à compétences spécialisées. Dans les Etats issus du bloc soviétique les institutions « régionales » sont de type plutôt déconcentré ou à vocation économique limitée. La division asymétrique du Royaume Uni n’a pas d’équivalent. Beaucoup de pays n’ont pas de vrais pouvoirs régionaux (Irlande, Portugal, Finlande, Chypre, Malte…). Et, en définitive, peu d’Etats sont dotés d’une véritable organisation régionaliste : l’Italie, l’Espagne et … la France.

La période récente ne révèle aucune tendance marquée. S’il y a eu un renforcement du niveau intermédiaire en Pologne, en Grèce ou aux Pays Bas, on est plutôt dans des logiques départementalistes. Les régions italiennes et espagnoles n’ont pas démontré leur apport à une amélioration de la gestion et des politiques publiques. Au tournant de la décennie, elles étaient pratiquement toutes en faillite par excès de dépenses de fonctionnement, notamment de personnels, et, en Espagne, par folie des grandeurs en investissements inutiles !

Une étude du CPLRE, dirigée par le professeur Francesco Merloni, Regionalisation trends in European countries 2007-2015 (2016), constate qu’en dehors de la Belgique, Etat fédéral, il n’y a pas eu d’avancée de l’autonomie régionale. Le seul mouvement visible est la tentation de la fragmentation avec des régions de plus en plus opposées au pouvoir national : Ecosse, Catalogne, Pays Basque, Flandres, Lombardie, Vénétie, Corse… Ce phénomène est confirmé par les échecs des projets de fusion entre collectivités (Bâle Ville et Campagne, Berlin et Brandebourg, départements et région en Alsace). Avec ses régions gigantesques, sans renforcement des pouvoirs et moyens, la réforme française est donc à contre-courant, contrairement aux discours lyriques – et erronés – sur les « régions de taille européenne ».

Que peut-on en conclure ? Le mot région recouvre des réalités politiques et institutionnelles extrêmement différentes. Dans chaque pays, elles sont le produit de la géographie, de ses cultures, de son histoire et de combats politiques. Non seulement il n’y a pas de modèle européen, mais les Etats régionalisés utilisent plusieurs types de régions. En Italie, Espagne et France les régions à statut particulier ont elles-mêmes des régimes chaque fois différents, en niveau d’autonomie, en pouvoirs et en ressources. La caractéristique la plus notable des régions, par rapport aux autres catégories de collectivités territoriales, est leur grande diversité, y compris au sein d’un même Etat. Cette malléabilité en fait un objet politique recherché car il peut être modelé à des besoins et conceptions très variés.

En France, une régionalisation sans doctrine, ni vision, ni unité

La France est l’un des Etats les plus nettement régionalisés, bien qu’elle ne se présente pas comme telle car cela s’est fait en l’absence de doctrine politique que l’on peut exposer et de vision régionaliste qu’on peut proposer en modèle. Il n’y a eu aucun grand débat opposant partisans et adversaires des régions ou des défenseurs de conceptions régionales différentes. Aucun parti politique national n’a de projet régional et il n’y a pas eu, jusqu’à une date récente, et hors certains DOM-TOM, de partis régionalistes audibles, même localement. Citons néanmoins le Parti breton ; les « nationalistes » corses n’ont longtemps pas formé des partis politiques. En Savoie ou en Alsace les autonomistes ont été ultra minoritaires. Et ce n’est que depuis peu que des relations se structurent entre ces mouvements. Chacun reste cependant concentré sur ses revendications très spécifiques. On est dans une logique de régions à la carte et non dans la recherche d’une organisation d’ensemble.

La région française a été créée par défaut, comme substitut à une réforme départementale qu’on n’a pu décider. Michel DEBRE proposa en 1946 une nouvelle carte des départements afin de réduire leur nombre à 47 et d’accroître en conséquence leur taille. De Gaulle, refusa l’idée qui lui paraissait « manquer de ragout ». Les années 1950 virent plusieurs projets en ce sens. Finalement ont été créées, par touches successives (1957, 59, 64), les circonscriptions d’action régionale avec un préfet de région et des directions régionales, stricts décalques de l’organisation départementale des services de l’Etat. Un organisme consultatif, la Commission de développement économique régional (CODER), assurait une présence des forces économiques et politiques.

Les missions de cette administration régionale consistaient en la coordination des services départementaux, la planification régionale, transcription du plan national, dans un contexte de forte croissance économique, d’urbanisation, d’aménagement du territoire et d’investissement en infrastructures cofinancées par les collectivités locales et l’Etat. La délimitation de leur périmètre avait donné lieu, selon l’historien Hervé Le Bras, à une réflexion moins développée que celle qui avait présidé au découpage des départements en 1790-1791. Et l’Alsace était apparue, à l’époque, comme l’une des plus naturelles ; le contour de la Bretagne était discutable et la Corse était intégrée à PACA. De grands départements ont été superposés aux anciens, comme on superposera des communautés aux communes, à défaut de fusionner celles-ci. Plus cher et plus compliqué, voilà la ligne directrice de la réforme territoriale à la française dans la seconde moitié du XX° siècle. Et c’est cela qu’il faudrait enfin corriger.

Après l’échec du référendum du 27 avril 1969, relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat, une régionalisation forte et une réforme de la composition et des pouvoirs du Sénat, on a péniblement inventé, en 1972, l’établissement public régional (EPR), sans compétences, sans conseil élu, sans services. Géré par le préfet il était voué au versement de subventions ! Continuant le mimétisme avec les départements, la loi de décentralisation du 2 mars 1982 fit de la région une collectivité territoriale, avec un conseil élu au suffrage universel (en 1986), des services propres et un président exécutif, mais sans aucune réflexion sur ses finalités et sans spécificités dans la nature ou l’étendue de ses pouvoirs. Ceux-ci, extrêmement maigres au départ, ne diffèrent pas fondamentalement de ceux des départements de sorte qu’entre les deux niveaux ils sont interchangeables ou, le cas échéant, « fusionnables » dans une même entité. Les compétences des régions s’étoffèrent au hasard des transferts effectués par l’Etat, où elles restèrent constamment les parents pauvres face aux départements dont les présidents constituent un puissant lobby au Parlement. Mais c’est aussi par pure facilité que les départements recueillirent les services opérationnels de l’Etat qui étaient organisés à leur niveau (social, routes), sans réflexion sur la pertinence du niveau décentralisé, avec comme argument décisif que cela ne dérangerait pas la localisation des agents !

L’accent est mis de façon emphatique sur le rôle économique des régions, parce que, à l’origine, dans les années 1960 à 1970 les préfets de région étaient les relais des politiques nationales interventionnistes. Les instruments ne furent cependant pas transférés aux régions et ils ont progressivement disparu sous l’effet du droit européen et des transformations de l’économie. Il est incontestable que les compétences régionales ont une dimension économique : lycées, TER, formation professionnelle, aides économiques. Toutefois, présenter les régions comme des acteurs importants des politiques économiques est du registre de la proclamation. Elles ne bénéficient d’aucun instrument déterminant : fiscalité, droit du travail, réglementations commerciales ou techniques, monnaie. Les rapports et schémas qu’elles publient ont un impact que personne n’a évalué, contrairement à leur coût de fabrication qui est considérable (253 membres au CESER du GE !). Aucun chef d’entreprise que nous avons interrogé ne les a lus pour prendre ses décisions. La Cour des comptes est systématiquement critique sur les aides économiques. Les actions économiques des régions doivent donc s’adapter aux caractéristiques d’un territoire donné. Plus celui-ci est homogène, plus elles pourront être pertinentes et efficaces ; plus il est étendu et hétérogène, comme l’est le GE, plus ces actions seront disparates et exigent, en complément, des politiques générales qui ne sont pas du ressort des autorités régionales.

Cette absence de choix quant aux finalités des régions et de réflexion quant à leur fonction spécifique dans la machinerie institutionnelle française explique les incohérences de la législation. Alors que la loi leur donne des missions très larges (Art. L4211-1 et L4221-1 du Code CGCT, qui s’articulent mal entre eux), elles n’ont aucun pouvoir pour imposer leurs orientations aux autres collectivités, la constitution interdisant la tutelle d’une collectivité sur d’autres. Leur principal moyen d’influence, la subvention, s’est épuisé, puisqu’elles ont perdu leurs marges de manœuvre suite au transfert en 2004 d’importantes charges de fonctionnement (agents des lycées, TER) et à la réduction, depuis 2010, de leurs pouvoirs fiscaux, qui portent sur moins de 10% de leurs recettes. La loi NOTRe du 7 août 2015 a renchéri dans l’hypocrisie. Dans un titre « Des régions renforcées » elle leur donne le pouvoir d’établir un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation qui définit le régime des aides publiques locales aux entreprises. Remplaçant d’autres documents, il ne va pas changer grand-chose sur le fond puisque toutes les collectivités gardent des pouvoirs d’intervention et que les métropoles, poids lourds de l’économie régionale, peuvent choisir de faire leur propre schéma. En même temps, la loi retire aux régions la clause générale de compétence, en nouvelle violation de la CEAL, alors que c’était leur seul moyen d’étendre leur action.

En définitive, la France a une multitude de systèmes régionaux : 12 de droit commun, dont celles qui ont été fusionnées et qui sont de ce fait dans un état particulier et l’Ile de France avec quelques spécificités ; la Corse actuelle, puis celle de 2018 ; les ROM (Réunion et Guadeloupe) ; les ROM avec fusion avec le département (Guyane, Martinique) ; la Nouvelle Calédonie ; la Polynésie ; les autres TOM. La loi permet des expérimentations et des régions fusionnées avec leurs départements. On est très loin de la conception traditionnelle des collectivités : unicité et uniformité. La même évolution vaut pour le secteur communal.

Une Région Alsace qui comporterait des éléments originaux est donc parfaitement concevable et devrait apparaître à tout esprit un peu éclairé comme allant de soi. Encore faut-il qu’il existe une foi et une volonté régionalistes en Alsace.

2. En Alsace, un désir de région?

Si le système institutionnel est ouvert à l’imagination, les oppositions et blocages à une région Alsace autonome seront vigoureux ! On ne les surmontera pas sans un projet clair, soutenu par une volonté forte des Alsaciens. Sauront-ils l’exprimer ? Voilà le paradoxe : autant on est unanime pour parler de l’Alsace, autant on est confus et timoré sur la Région.

Le sentiment d’une communauté politique ?

L’histoire de l’Alsace est celle d’une mosaïque de divisions religieuses et politiques où les différences et rivalités s’affichaient avec autant de force que les facteurs d’unité. Cela imprègne encore les esprits et les territoires. L’identité alsacienne, faite d’une somme de diversités changeantes, est une référence affective sincère, mais abstraite, qui ne renvoie pas à des lignes politiques qui font consensus. Dès qu’on entre dans le concret, cela se complique.

Les exemples abondent dans la sphère publique. Le cas des organismes d’intervention économique est symptomatique, voire caricatural. Tout a été fait pour que la Chambre régionale de commerce et d’industrie soit la moins puissante possible face aux chambres locales de Colmar Mulhouse et Strasbourg ; sous la contrainte financière une réorganisation est en cours, qui conserve la pluralité des centres. L’Alsace est la seule région qui a trois organismes de développement économique liés aux collectivités locales et néanmoins en compétition, qu’on a le plus grand mal à réunir. Cette petite région a deux aéroports internationaux à 100 km et à une heure de train de distance. Celui de Strasbourg a longtemps refusé toute coopération, laissant ainsi la capitale européenne devenir un satellite de l’aéroport de Francfort, voire de Karlsruhe. Brillant ! Lors de la campagne pour le referendum régional en 2013, la rumeur courait qu’avec la fusion des départements tout serait pour Strasbourg et qu’on mangerait la laine sur le dos des Haut-Rhinois. Or, les bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties, seul véritable impôt départemental, sont de 50% plus élevées pour le 67 que pour le 68. Le Haut-Rhin aurait donc bénéficié d’une forte péréquation, offrant un bel exemple de solidarité régionale. Les promoteurs de la réforme n’ont pas voulu le mettre en avant pour ne pas effaroucher les électeurs bas-rhinois. Maintenant les deux territoires font de la péréquation au profit de la Haute Marne ou de la Meuse. Admirable ou gribouille ? Et l’Université de Strasbourg a beau être l’une des plus prestigieuses d’Europe, il n’est pas question que celle de Mulhouse fusionne. La géographie des votes du 7  avril 2013 a montré la défiance persistante installée dans de nombreux esprits. Etc. On a voulu montrer ici que la référence à l’identité alsacienne ne produit pas forcément un sentiment de solidarité capable de porter des politiques régionales.

Les freins cachés d’un régionalisme décomplexé et conquérant

Nous n’en retiendrons que deux qui relèvent presque autant de la psychanalyse que de la politique.

Le premier est le tabou de l’autonomisme, pour des raisons historiques que nous ne rappellerons pas, combinées à la crainte d’apparaître trop germanophiles au regard des « Français ». Le discours est même souvent schizophrène car, d’un côté, on aime comparer la région à un Land allemand – ce qui est totalement inapproprié – et, d’un autre côté, on cherche à cacher tout ce qui remonte aux racines germaniques. Le formidable coup d’accélérateur donné par la réforme régionale aux autonomistes patentés, dont certains slogans sont aussi discutables que contreproductifs, brouille encore plus les idées. La revendication d’une région Alsace autonome, banalement de droit français, se fait donc mollement. Ce sont là des complexes que n’ont pas les Bretons et les Corses. Or, si l’on n’y va pas franchement, autant brûler un cierge à Ste Odile ou verser une larme dans l’Ill. Un espoir cependant : c’est en train de changer sous l’impulsion de quelques députés derrière qui les troupes devraient finir par s’ébranler !

Une puissante région Alsace renforce la France sur le Rhin et serait une illustration féconde du rapprochement géopolitique entre les deux Etats. La France a plus à gagner d’une coopération vigoureuse entre l’Alsace, le Bade-Wurtemberg et la Suisse du Nord-ouest, ces Californie européennes, qu’avec la lointaine Champagne.

Le second problème de fond en Alsace est le rapport de la région à sa capitale. Toutes les régions qui ont un rayonnement international sont d’abord visibles par leur capitale, bien mieux connue et montrée dans les médias que le territoire alentour. Chacun a à l’esprit des noms de métropoles en Chine, en Australie, au Japon, aux USA, en Italie ou en Angleterre, sans savoir les rattacher à leur région. L’innovation, la création de richesse et la culture se développent aujourd’hui essentiellement dans les métropoles (OCDE: The metropolitan century – Governing cities, Paris 2015). Les couples gagnants sont Bavière-Munich, Lombardie-Milan, Catalogne-Barcelone, Andalousie-Séville, Champagne-Reims. Dans beaucoup de cas la ville se suffit à elle-même : Amsterdam, St Pétersbourg, Francfort, Florence, Zurich…. Or Strasbourg, qui est déjà une capitale controversée de l’UE, l’est même en Alsace, ce qui n’a pas été un élément négligeable du ratage de 2013.

Dans le GE, son statut officiel de chef-lieu est, de facto, partagé avec 4 autres villes et elle n’est la capitale de cœur, d’identification et de promotion ni des Lorrains, ni des Champenois. Nancy joue ouvertement la compétition, espérant, à terme, être la gagnante du GE après avoir obtenu à l’arraché un statut de métropole que sa taille ne justifie en rien ; mais ses dirigeants ont une stratégie et de l’influence ! Confusion à tous les étages !

La reconstruction d’une Alsace autonome et puissante exige que la Ville et sa Région se retrouvent pleinement. Or, le jeu illisible des dirigeants Strasbourgeois depuis 2013, la position hostile du maire de Colmar, la passion des dirigeants de l’agglomération de Mulhouse pour le GE, la défiance des territoires ruraux rendent cette condition problématique. L’actuelle crise va-t-elle permettre, enfin, de faire l’indispensable révolution culturelle ? RH

image_pdfimage_print

Catégorie(s) : Politique Étiqueté : Grand Est, Région Alsace

Laisser un commentaire Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
Pour prouver que vous êtes une personne (pas un script de spam), tapez le mot de sécurité affiché dans l'image. Si le mot Invalid d'affiche recharger la page pour obtenir un mot d'Alsace
Anti-spam image

Recherche

Abonnez-vous à notre journal gratuit

Nous suivre aussi sur

  • Facebook
  • Twitter
  • YouTube

Les archives

  • septembre 2018 (7)
  • juin 2018 (9)
  • mai 2018 (9)
  • février 2018 (12)
  • janvier 2018 (4)
  • décembre 2017 (1)
  • novembre 2017 (9)
  • octobre 2017 (15)
  • septembre 2017 (7)
  • juin 2017 (4)
  • mai 2017 (13)
  • avril 2017 (12)
  • mars 2017 (10)
  • février 2017 (13)
  • janvier 2017 (11)
  • décembre 2016 (7)
  • novembre 2016 (4)
  • octobre 2016 (3)
  • septembre 2016 (3)

Vos derniers commentaires

  • meschberger dans Les classes bilingues paritaires français-allemand en danger ?
  • Fryslan. Le Bilinguisme Serein – Words, Sound and Vision dans Fryslan. Le Bilinguisme Serein
  • Helms Paul dans « 83 % des Alsaciens souhaitent le retour à l’Alsace. » Quelques remarques sur le sondage de février 2018
  • vivier dans Une Utopie mobilisatrice commune pour les « anciens » et les « nouveaux » Alsaciens
  • Sylvie Spitzer dans « Course pour la Langue régionale d’Alsace »

Étiquettes

Adrien Zeller Agriculture allemand alsacien Antiquité apprentissage artisanat assurance-maladie bilinguisme Conseil culturel d’Alsace Corse Culture culture bilingue droit des cultes Droit local droit local alsacien-mosellan Environnement Géographie Gérard Longuet Identité culturelle Identité politique Industrie Internationalisation Jean-Guy Talamoni Jean-Pierre Masseret langue Langues Marc Chaudeur Moyen Âge média Pierre Pflimlin psychanalyse relatio Religions Rhin Rhin Supérieur Romains rédacteurs régime local Région Tourisme Transport Vie associative Économie âge d’or

Informations

  • Qui sommes-nous ?
  • L’équipe
  • Mentions légales
  • Nous contacter

Les archives

  • septembre 2018 (7)
  • juin 2018 (9)
  • mai 2018 (9)
  • février 2018 (12)
  • janvier 2018 (4)
  • décembre 2017 (1)
  • novembre 2017 (9)
  • octobre 2017 (15)
  • septembre 2017 (7)
  • juin 2017 (4)
  • mai 2017 (13)
  • avril 2017 (12)
  • mars 2017 (10)
  • février 2017 (13)
  • janvier 2017 (11)
  • décembre 2016 (7)
  • novembre 2016 (4)
  • octobre 2016 (3)
  • septembre 2016 (3)

Les rubriques

  • Manifeste (1)
  • Pétition (2)
  • Bilinguisme (6)
  • Compte rendu (1)
  • Annonce (1)
  • Communiqué (9)
  • Droit (1)
  • Santé (1)
  • Lettre Ouverte (6)
  • Vortrag (1)
  • Billet d'humeur (5)
  • Édition (1)
  • Actualités (3)
  • Éditorial (1)
  • Société (7)
  • Économie (5)
  • Transfrontalier (8)
  • Culture (34)
  • Europe (10)
  • Histoire (3)
  • Politique (48)

Nos partenaires

  • ICA 2010
  • Centre Culturel Alsacien
  • Fédération Alsace bilingue
  • Éditions Allewil Verlag

Copyright @ 2016 ElsassJournal.com

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.Ok